Rapport Pronovost sur l’agriculture: des non-solutions qui n’arriveront pas à régler les problèmes de façon durable (8e partie)

L’obsession locale

En plus de mesures pour le bio, la Commission propose plusieurs mesures pour favoriser l’agriculture locale, notamment en soutenant les circuits courts de distribution (la vente par le fermier même; #16-1), la vente de produits locaux aux institutions publique (#16-3) et en formulant des attentes bien précises à la SAQ pour vendre et promouvoir les alcools québécois (#16-4). À première vue, ces propositions semblent alléchantes; elles permettent de trouver des débouchés à l’agriculture du Québec et même de rapprocher les gens des cultivateurs dans le cas des circuits courts. Malheureusement, elles se basent plus sur la passion que sur la raison à plusieurs égards.

Tout d’abord, elles sont teintes de jalousie. Les gens qui tiennent absolument à ce que la production soit locale le font généralement dans une optique protectionniste à peine voilée, comme ces Anglais qui se plaignent « qu’autant » de fruits proviennent de l’Afrique subsaharienne, dont le climat permet de produire plus efficacement (Desrochers et Shimizu, 2012). Est-ce que les Floridiens se plaignent que le Québec ait un avantage dans la production de sirop d’érable, et inversement pour la production d’oranges?

Aussi, elles supposent que la production locale est moins chère. Si tel était le cas, alors la mesure serait totalement inutile. Or, hors de la saison des récoltes (août-octobre), il y a bien peu de fruits et légumes québécois (abordables) sur les tablettes. Doit-on forcer des institutions déjà déficitaires comme les hôpitaux à s’endetter encore plus pour encourager les producteurs locaux? Et d’ailleurs, qu’est-ce qu’un producteur local? La définition n’est donnée nul part par la Commission. Si importer d’un autre pays n’est pas considéré local, qu’en est-il de l’école de Gaspé qui prend ses légumes de la Montérégie? Ou de ce marchand d’Iqaluit qui prend ses fruits du sud de l’Ontario?

De plus, des groupes comme le Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec s’efforcent de maintenir en vie ce qu’on pourrait qualifier de sophisme de l’emploi. La Commission le cite : « l’achat local… favorise la réinjection des investissements dans la communauté et contribue au développement économique de la région et à la création d’emplois » (Pronovost, 2008). Si la création d’emploi est le véritable but du Regroupement, alors il n’a qu’à prendre des méthodes nettement plus simples : creuser un trou afin de stimuler l’économie (Keynes, 1936), décréter une amputation nationale de la main droite, ce qui emploiera nettement plus de monde (Bastiat, 1848) ou, puisqu’il s’intéresse à l’agriculture, encourager le travail dans les champs avec ses mains plutôt qu’avec des outils (Bastiat, 1845). Dans chacun des cas, on stimule effectivement l’emploi, mais est-ce efficace? Non, évidemment : on se donne plus de peine que nécessaire. Le travail vise à éviter cela; il vise à trouver la façon la plus efficace d’arriver à une fin, généralement satisfaire ses besoins. Pourquoi utiliser ses muscles comme Sisyphe quand on peut prendre une grue (Bastiat, 1845)? Si le Regroupement tient véritablement à favoriser le développement économique régional et l’emploi, qu’il plaide plutôt pour laisser les citoyens libre de décider où ils achètent leur nourriture. Ainsi, s’ils réussissent à obtenir le meilleur rapport qualité/prix, ils auront plus d’argent pour autre chose comme l’investissement et ainsi créer une croissance basée sur une véritable demande plutôt que l’argent des autres.

Troisièmement, à l’instar de la plupart des affirmations sur l’agriculture bio, l’agriculture locale ne semble pas survivre à l’épreuve des faits. Ainsi, contrairement aux idées reçues, « faible circulation des produits, économie d’énergie » (Pronovost, 2008), il est proportionnellement moins polluant pour le Canada d’importer sa nourriture d’endroits plus propice à l’agriculture (fusse au niveau des Tropiques) que de produire localement. Ce qui pollue plus dans la chaîne de distribution alimentaire, c’est la production et la vente, surtout quand les températures varient énormément (pour la production de serre) et quand les gens font plusieurs petits voyages en voiture à l’épicerie. Ces derniers éléments polluent plus par tonne de nourriture qu’un bateau cargo bien rempli parcourant 5000 km (Desrochers et Shimizu, 2012). Mais plus important encore, c’est sans doute la pire menace pour la sécurité/souveraineté alimentaire, pour laquelle on invoque tant de protectionnisme. En effet, aucun pays n’a avantage à être « alimentairement » autarcique puisque d’autres pays ont toujours un avantage comparatif pour certaines cultures. Tenter de pousser cette souveraineté peut entraîner des résultats fâcheux, notamment pour l’environnement, comme ce fut le cas avec la canne à sucre en Floride (Usborne, 1994). Se concentrer sur ce qu’on fait de mieux permet ainsi d’éviter de produire ce qu’on peut importer pour moins cher. Les Pays-Bas actuels, au 19e siècle, ne cultivaient presque rien et n’avaient presque aucune famine ni explosion des prix de leurs denrées – et on parle d’une époque où il n’y avait encore que le bateau à voile et presque pas de trains (Say, 1841). La réforme des lois céréales en Angleterre a permis aux Anglais d’importer leur blé d’ailleurs (à meilleur prix), évitant ainsi la famine suite à deux récoltes désastreuses en 1845 et 1846 (Bastiat, 1848). Si les gouvernements avaient écouté le chant des sirènes des agriculteurs et fermé les frontières, la population aurait été décimée. En fait, on voyait déjà à l’époque que renverser la tendance du libéralisme commercial signifierait un grand bond en arrière et une diminution dramatique du niveau de vie. Sans doute parce qu’ils l’ignorent, les « locavores » prônent un retour à l’époque pré-industrielle. À cette époque-là, tout était bio et local… et les gens n’avaient pas une espérance de vie très élevée. Sans compter que la diète était généralement très peu variée et souvent déficiente en vitamines et minéraux (Desrochers et Shimizu, 2012). S’ils veulent vivre ainsi, grand bien leur en fasse. Mais ils n’ont aucun droit de l’imposer à autrui.

Rapport Pronovost sur l’agriculture: des non-solutions qui n’arriveront pas à régler les problèmes de façon durable (7e partie)

Propager des mauvaises pratiques

En plus de proposer une utilisation altruiste des fonds publics, la Commission avance de nombreuses propositions douteuses. À plusieurs endroits dans le rapport, on parle de la part vital de l’agriculture dans une occupation dynamique du territoire. Or, on peut fortement douter de ce dynamisme quand des syndicats affirment que, sans protection gouvernementale, une grande partie de la production disparaitrait (Pronovost, 2008). Sans compter qu’à mesure qu’on s’éloigne des terres les plus fertiles et propices de la vallée du St-Laurent, on se dirige vers des terres moins propices vers le nord et l’ouest (bouclier canadien) ou l’est (Appalaches), où cultiver la terre est nettement plus cher (Say, 1842). Considérant la relative sûreté du territoire, a-t-on vraiment besoin d’occuper ces terres? De plus, si personne ne va dans ladite région, c’est que les opportunités qui s’y trouvent sont inexistantes ou non rentables. Y attirer des gens ne peut donc se faire qu’avec des subventions, et donc aux dépends des contribuables. Des Beaucerons n’ont d’ailleurs pas manqué de dénoncer les subventions reçues par les régions éloignées; ils y voient une injustice flagrante contre eux (Parent, 2012).

Il y a également cet encouragement à apporter l’aide de l’État à l’agriculture bio (#7-2, #13). Pourtant, cette branche avait réussi à se tailler une place au soleil sans aide; pourquoi voudrait-elle maintenant porter la prothèse étatique? De plus, une partie du battage publicitaire autour de l’agriculture bio semble injustifiée car peu de faits scientifiques supporteraient ce type d’agriculture. Premièrement, la ferme bio typique a besoin de 30 à 50 % plus de surface de culture parce que ses rendements sont inférieurs (Trewavas, 2001). En fait, ils sont tellement inférieurs que Norman Burlog, surnommé le père de la révolution verte, estimait qu’une conversion mondiale complète au bio ne pourrait nourrir que quatre milliards d’humains (Jetsetlemming, 2007). Avec une population mondiale qui pourrait atteindre neuf milliards d’ici peu, combien d’hectares de forêt est-on prêt à sacrifier pour adopter ce mode de culture afin de produire plus de nourriture que les 10 000 années précédentes réunies ensemble (Desrochers et Shimizu, 2012)? Deuxièmement, les fermes bio les plus compétitives sarclent leurs champs régulièrement avec leur machinerie pour éviter les herbicides, ce qui endommage la faune et augmente les émissions d’oxydes d’azote des tracteurs. L’utilisation de certains herbicides permet d’éviter ces dommages (Trewavas, 2001). Troisièmement, dans plusieurs pays du monde, notamment ceux de l’Afrique subsaharienne, l’agriculture bio est la seule à laquelle les gens ont accès. Matin et soir, 60 % de la population s’éreintent dans une agriculture de subsistance loin de toute route carrossable, les obligeant donc à tout consommer localement. Près d’un tiers des gens souffrent ainsi de malnutrition, un peu comme nos ancêtres d’avant la Révolution industrielle (Desrochers et Shimizu, 2012). Malgré tout, si l’Environmental Working Group dit vrai, alors il semble préférable de consommer certains fruits et légumes bio (la « douzaine maudite ») à cause de tous les produits nocifs qu’on y trouverait (Mother Nature Network, 2012). Mais encore là, il semble que ces produits puissent être préférables à ce qu’on retrouve dans la nourriture bio (Desrochers et Shimizu, 2012).

Le gouvernement devrait donc laisser les gens décider s’ils veulent manger bio ou non. Forcer un quelconque mode de production est à l’encontre de l’esprit de nos constitutions, qui tentent généralement de circonscrire le champ d’action du gouvernement.

Rapport Pronovost sur l’agriculture: des non-solutions qui n’arriveront pas à régler les problèmes de façon durable (6e partie)

Subventionner : encourager l’inexcellence

D’ailleurs, si une entreprise a besoin de fonds publics pour fonctionner, n’est-ce pas le signe qu’elle n’est pas rentable et ne répond plus aux attentes du marché? Des dizaines d’entreprises d’énergie dite verte ont fait faillite ces dernières années aux ÉU malgré des milliards de subventions (Schow, 2012). Le sauvetage financier, à coup de dizaines de milliards de dollars, des secteurs américains et canadiens de l’automobile est également le signe qu’une compagnie comme GM ne répondait plus au marché – elle perdait déjà des milliards quand Toyota faisait des profits en vendant moins d’automobiles (Reason TV, 2009). De son côté, l’UPA confirme involontairement la non-rentabilité du secteur sous la gestion de l’offre quand elle se plaint qu’on menace ce secteur fortifié et que ça entrainera des pertes d’emplois si on permet plus d’importations (Simard, 2012). Si tel est le cas, alors ce n’était qu’une preuve comme quoi les méthodes de productions n’étaient pas efficaces vis-à-vis l’étranger, ou même que les produits québécois étaient surestimés si leur consommation diminue.

L’on peut donc se questionner pourquoi la Commission suggère de subventionner l’agriculture de serre (#12) et bio (#13), de même que l’investissement agricole (#15) et la réorientation des cultures (#7). Si ces secteurs et actions étaient rentables, les agriculteurs s’y seraient déjà mis sans l’aide du gouvernement (ce que le secteur bio a fait); ils auraient eu un retour sur investissement alléchant. Il est possible que la montagne de paperasse qui les attend soit un frein (Proulx, 2013). De plus, les suggestions 12 et 13, que même que la 3 (contrebalancer les couts de notre nordicité, mal prise en compte par le marché), trahissent une grande méconnaissance du commerce international et du marché.

N’en déplaise à la Commission, ce dernier tient amplement compte de la situation géographique du Québec. En effet, nous sommes entièrement au nord du 45e parallèle, et notre climat est fortement affecté par le courant (froid) du Labrador (Wikipedia, 2013). L’agriculture est impossible au moins six mois par année, nous obligeant ainsi à importer notre nourriture la plupart de l’année. Par contre, de très bons produits agricoles typiquement adaptés à notre climat se vendent très bien ou en ont le potentiel : produits de l’érable, cidres de glace, bleuets – plus ils sont cultivés au nord, plus ils possèdent d’antioxydants (Association des producteurs de bleuets de la Côte-Nord, 2007), alors une bonne campagne de pub pourrait rivaliser avec la baie d’açaï, qui a largement vanté ses mérites depuis quelques années (Philipps, 2008) –, pour ne nommer que ceux-là. Bien sûr, il serait possible de produire plus de légumes en serre avec des subventions. Mais pourquoi se limiter aux légumes? Pourquoi ne pas inclure des bananes ou des oranges?

La question n’est pas si sotte qu’elle n’en paraît. En fait, elle ne fait que pousser jusqu’à sa conclusion logique les sophismes protectionnistes que la Commission tente d’introduire avec les recommandations 3, 12 et 13, qui veulent artificiellement favoriser et compenser la production locale. Ces demandes ne sont pas sans rappeler la pétition des marchands de chandelles, qui voulait qu’on obstrue toutes les fenêtres afin de combattre cet adversaire déloyal qu’est… le soleil (Bastiat, 1845). Dans le cas de l’agriculture, on vise à se prémunir de la concurrence étrangère et ainsi sacrifier les consommateurs pour le bénéfice des producteurs en faisant payer les produits aux premiers plus cher. On défait par la même occasion l’essence du commerce international.

Il existe justement pour palier la répartition inégale des ressources naturelles et des talents sur la planète. Il permet donc une division internationale du travail, laissant les pays et les gens se spécialiser dans ce qu’ils font de mieux et augmentant la productivité pour tous. Reprochera-t-on à un chirurgien de ne pas se spécialiser dans le nettoyage de ses vêtements (Mises, 1998)? Donc, le Québec aurait avantage à continuer d’importer la plupart de sa nourriture et d’exporter ce qu’il fait de mieux, notamment les ressources minières – nous exploitons ¼ de tous les éléments naturels (Ressources naturelles Québec). Ainsi, l’argent des contribuables ne sert pas à subventionner ce canard boiteux qu’est l’agriculture – le ratio d’endettement des agriculteurs augmente sans cesse et est plus élevé qu’en Ontario ou aux ÉU (Pronovost, 2008) – afin de la laisser aux pays au climat plus propice. Si l’agriculture doit se pratiquer ici, elle doit être autonome.

Oh, il est certain que « tous » les pays subventionnent leur agriculture; l’arrêt des subventions agricoles signifierait la faillite pour plusieurs producteurs. Néanmoins, ce serait une excellente nouvelle pour tout le monde, y compris les agriculteurs qui seraient au chômage. En effet, si les autres pays continuent de subventionner leur agriculture, leurs denrées seront donc moins chère que les nôtres. Ce dumping permet donc d’augmenter le salaire réel en diminuant l’argent consacré à la nourriture. C’est comme si le pays subventionnait les gens, n’en déplaise à l’Union paysanne (Pronovost, 2008)! Et comme « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », advenant la fin des subventions, les installations utilisées deviendront disponibles et à très bon coût (Rothbard, 1986), comme ce fut le cas avec Hostess (Brown, 2012). Mais si le rapport qualité-prix de la production québécoise est excellent, alors elle n’a rien à craindre de la concurrence extérieure; en fait, l’ouverture des marchés pourrait même lui permettre de trouver de nouveaux clients et d’innover encore plus.  

The Financial Crisis and the Free Market Cure: la crise financière et la bulle immobilière de 2008 vues des yeux de l’ex-PDG d’une grande banque (2e et dernière partie)

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Fin de la primauté du droit

Mais au-delà de la réglementation bancaire, Allisson montre à quel point la réglementation en général chamboule complètement les choix des dirigeants d’entreprise, peu importe le domaine. Un jour, tel règlement est sans importance parce que le contexte économique est favorable. Mais six mois plus tard, quand les choses vont mal, « The humble bureaucrats are then energized with the moral certainty and clarity of the Gestapo » (l’humble bureaucrate a maintenant l’énergie et la certitude morale d’un membre de la Gestapo). Ce dernier décide donc de blâmer le dirigeant d’entreprise pour ne pas avoir applique ledit règlement, ce qui peut, par exemple, forcer le refus d’un prêt. Pour ajouter l’insulte à l’injure, Allison affirme qu’un banquier ne peut pas dire à son client, si fidèle et fiable soit-il, que son prêt est refusé à cause d’un zèle bureaucratique soudain.

Cet arbitraire s’est également reflété dans le secours financier de certaines banques et pas d’autres. Normalement, sur le libre-marché, une compagnie mal gérée fait faillite, et ses avoirs sont redistribués de façon à mieux répondre à la demande. Mais quand le gouvernement rentre dans le portrait, il peut décider, en utilisant des raisons du genre « Le système va s’écrouler si nous ne faisons rien », de sauver une entreprise de la faillite. En clair, le gouvernement dit : « Ce n’est pas important si vous vous administrez mal, je vais vous secourir » – la fameuse mentalité « too big too fail » (trop gros pour faire faillite).

Par exemple, Paulson, secrétaire du Trésor quand la crise a commencé, était un gros actionnaire de Goldman Sachs, une des plus grosses compagnies financières à faire faillite. Il a évidemment tout fait pour secourir son investissement, tout en laissant Lehman Brothers faire faillite. Mais le fait qu’UNE compagnie ait été sauvée permet aux autres de penser que prendre des risques inconsidérés, surtout s’ils sont encouragés par le gouvernement, seront « récompensés » en bout de ligne…

Des solutions choquantes, mais nécessaires

Afin d’éviter une autre crise comme celle que nous subissons encore – Allison en prédit une autre majeure d’ici 10-15 ans si aucun changement majeur n’est apporté – des solutions radicales (mais ô combien nécessaires) doivent être apportées. La majorité de la réglementation bancaire, particulièrement la loi Dodd-Frank adoptée après la crise, doit être abolie au plus vite. Aussi, Mae et Mac doivent être liquidés et/ou privatisés, ce qui remettra du bon sens dans le marche hypothécaire – sans garantie du gouvernement, fini les prêts à risque. Il propose également, comme toute personne connaissant bien le pouvoir des incitatifs sur le comportement, de diminuer les impôts afin d’encourager la production. En effet, quand les impôts sont élevés, les gens passent plus de temps à tenter de les éviter qu’à tenter d’innover, bloquant ainsi la voie à une amélioration de notre niveau de vie.

Une autre solution radicale proposée par Allison vise à s’attaquer à la racine des crises économiques, qui est avant tout philosophique et non économique. Et cette philosophie de la crise est… l’altruisme, tel que Ayn Rand le définit, c’est-à-dire sacrifier autrui pour son propre bénéfice. C’est exactement ce qui a engendre la crise : parce tout la monde « a droit » à une maison, le gouvernement doit prendre les moyens nécessaires pour y arriver. Mais pour y arriver, il faudra « sacrifier » certaines personnes – les banquiers, en les forçant à prêter à n’importe qui et les contribuables, en les forçant à payer pour les fautes des banquiers. En laissant libre cours à l’égoïsme (objectiviste) des gens, une crise de l’ampleur de celle de 2008 n’a virtuellement aucune chance de se reproduire puisqu’il n’est pas dans l’intérêt personnel des banquiers de prendre autant de risque.

En conclusion, The Free Market Cure devrait faire parti de toutes les bibliothèques. Les explications très détaillées de l’auteur permettent de voir la crise du point de vue des « fautifs » et montre que leurs agissements étaient somme toute rationnels dans le contexte (quoi que certains aient pris moins de risques que d’autres, ce qui s’explique aussi par les incitatifs du gouvernement). Bien que certains passages soient difficiles à comprendre – sans doute parce que la réglementation elle-même est incompréhensible –, l’ouvrage est assez bien vulgarisé pour que Monsieur et Madame-tout-le-monde puisse facilement comprendre. Il vous donnera quelques munitions de plus pour répliquer à ces incessants c’est-la-faute-du-libre-marche qui polluent encore les pensées de trop de gens.

The Financial Crisis and the Free Market Cure: la crise financière et la bulle immobilière de 2008 vues des yeux de l’ex-PDG d’une grande banque (1re partie)

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Plusieurs étatistes continuent de dire que la déréglementation et le capitalisme (ajouter superlatif négatif du jour) ont causé la crise économique actuelle. Or, il n’en est rien; une crise économique de cette envergure ne peut avoir qu’une seule source : le gouvernement. Avec ses énormes pouvoirs de coercitions, il peut facilement forcer quiconque à adopter des comportements irrationnels allant à l’encontre de leur intérêt personnel. John Allison, président de l’Institut Cato et ancien PDG de la banque BB&T, a pu voir cette influence destructrice au cours de sa carrière à la tête de cette grosse banque de la côte Est. Il parle en long et en large de la crise économique, et propose d’excellentes solutions pour en éviter une autre, dans son excellent libre The Financial Crisis and the Free Market Cure.

Dans la tradition des économistes autrichiens, il voit l’économie pour ce qu’elle est vraiment : une observation du comportement humain. En résumé, les humains tendent à agir selon ce qui semble être leur meilleur intérêt d’après ce qu’ils voient autour d’eux – ce qui peut paraitre irrationnel avec le recul ne l’était pas quand le geste fut posé. C’est d’ailleurs cette irrationalité qui engendre des crises économiques puisque, comme en physique, toute action a sa réaction.

Et une des principales causes de la crise qui fait encore rage fut l’éclatement de la bulle immobilière en 2007-2008. Comme toute bulle, son origine peut être tracée vers des politiques gouvernementales, et elles sont nombreuses. Selon Allison, l’immobilier est le domaine qui a reçu le plus de subventions depuis le New Deal des années 30.

On voulait ainsi encourager tout le monde à s’acheter une maison, même si 1) ce n’est pas pour tout le monde, particulièrement pour les gens qui déménagent souvent et 2) ce n’est pas un investissement au sens économique du terme, c’est-à-dire qui permet de produire plus de valeur. Comme une maison ne produit rien une fois qu’elle est construite, elle est un bien de consommation au même titre qu’une voiture ou un sac de carottes. Sans compter que plusieurs emplois directs dans la construction, une fois que la bulle éclate, deviennent obsolètes, ce qui ajoute à la perte sèche quand la bulle éclate…

Dans les années 90, cet encouragement s’est fait (presque littéralement) à la pointe d’un fusil. En effet, soucieux d’entretenir sa base électorale noire, Clinton a soudainement décidé d’appliquer certains règlements qui empêchaient la discrimination raciale dans les prêts bancaires. Pour se faire, il s’est basé sur une étude plus que douteuse de la Fed (la banque centrale des EU), qui affirmait que les Noirs étaient discriminés en se voyant refuser un prêt qu’un Blanc avec un même ratio de dette obtenait.

L’ennui, c’est que le ratio d’endettement d’une personne est loin d’être le seul facteur pris en considération. Il y a également la durée des emplois ainsi le paiement ou non des dettes. Mais comme la quasi totalité des régulateurs ne connaissent rien aux prêts, ces « menus » détails étaient sans importance; les bonnes intentions ont préséance sur le gros bon sens des banquiers.

Et ce gros bon sens a fortement été affecte quand Clinton a forcé Mae et Mac, deux agences gouvernementales qui garantissent les hypothèques, à avoir jusqu’à 50% de prêts hypothécaires offerts aux gens à faible revenu qui ne peuvent normalement obtenir d’hypothèques(les fameux « subprimes »). En d’autres termes, au nom d’une politique « charitable » de vouloir voir plus de gens posséder une maison, l’administration Clinton (Bush, son successeur, n’a pas pu changer ces règles), a donc parti le bal dans le gonflement de la bulle immobilière en diminuant dramatiquement les prérequis pour obtenir une hypothèque.