Libertarienne à l’os

Julie a vite fait d’adopter cette mentalité. « Comme nous n’utilisons pas de garderie, je me lève chaque matin à 4h pour m’occuper de mes enfants, malgré mon emploi du temps chargé (elle travaille à la maison à temps plein). Aussi, bien que nous aurions droit à Mecidaid1, nous ne l’utilisons pas. Nous sommes parfaitement capables de nous occuper nous-même de nos enfants. »

Bref, son libertarianisme se propage partout. À ce sujet, elle constate le gouffre qui sépare sa mentalité de plusieurs Québécois. «  Au Texas, on se prend en main en famille. Au Québec, il semble que le gouvernement nous prend en charge du berceau à la tombe. Malgré tous les rapports accablants au sujet des CHSLD, les gens y laissent encore leurs parents et leurs grand-parents. C’est gouvernemental après tout, on n’a pas besoin d’y penser… Au Texas, les gens auraient vite fait de retirer l’être aimé de cet enfer. »

D’ailleurs, elle est heureuse que ses enfants puissent grandir dans un tel milieu. « Je préfère qu’ils deviennent des méchants américainsque des moutons québécois. Ici, malgré les peurs qu’on nous faisait, les gens sont très accueillants et aidant, et ils croient vraiment à l’entraide. Pendant plusieurs années, il n’y avait que des pompiers volontaires dans notre ville pour tous les quarts de travail. Mon conjoint y a d’ailleurs offert ses services. En entendant cela, plusieurs personnes de notre entourage pensaient : “Y sont ben cheap!” »

Par ailleurs, ce milieu est dirigé par un gouvernement qui fait confiance au gros bon sens de ses citoyens. « Il y a ce qu’on appelle la Castle Law au Texas. Il nous est permis, si on se croit en danger, de tirer quelqu’un qui pénètre notre propriété sans invitation préalable. Évidemment, nous savons utiliser notre jugement. Et les gens sans mauvaises intentions aussi. Nous vivons près d’une école, et il nous arrive de recevoir des ballons. On vient toujours cogner à notre porte avant d’aller les chercher. »

Des services présents quand on en a besoin

Un autre point positif de la terre d’adoption de Julie est la facilité d’obtenir des soins de santé. « Le lendemain de notre déménagement, mon conjoint a débuté ses traitements de chimiothérapie ». Aussi, comme les impôts sont bas, on n’a pas l’impression de payer deux fois quand on va à l’hôpital. « Et les médecins sont facilement accessibles. Je peux prendre un rendez-vous médical en moins d’une semaine, et le pédiatre, même si j’appelle son bureau le dimanche, me contacte le jour même pour me conseiller de prendre rendez-vous ou d’aller à l’urgence. »

Parlant des urgences, celles de Houston sont absolument incomparables à celles du Québec. « Dans les hôpitaux privés d’ici, il n’y a aucune attente et tous les examens imaginables sont disponibles. Même l’hôpital public du comté, dont l’urgence et plusieurs services sont gratuits, offre tous les services, quoiqu’il peut parfois y avoir de l’attente. Je me rappellerai toujours cet homme obèse qui se plaignait à un journaliste parce qu’il avait attendu à l’urgence durant … trois heures.

« En comparaison, mes frères qui ont des enfants ont parfois dû attendre 17h pour voir un médecin à l’urgence – j’ai entendu dire qu‘un délai d’attente de 48h était fréquent aussi. Non seulement doivent-ils souvent attendre pour passer des tests médicaux, mais ils doivent répéter sans cesse leur histoire médicale puisque leur médecin est souvent indisponible. »

Se responsabiliser pour l’assurance

Évidemment, comme le système de santé n’a pas un assureur unique comme au Québec, plusieurs choisissent de contracter une assurance. « Oui, il peut y avoir beaucoup de paperasse, remarque Julie. Connaître les compagnies de même que les services qu’elles couvrent est presque une profession en soi! Toutefois, je n’ai jamais eu de problème, malgré le cancer de mon conjoint et mes deux accouchements. Il m’en coute 568 $ par mois. » Lors de l’obtention d’un emploi, les gens négocient un tel avantage pécuniaire.

Afin de s’assurer que tout fonctionne bien, une personne doit cependant demeurer vigilante. « Je dois toujours m’assurer que la compagnie a payé la facture. » Encore là, elle dit ne jamais avoir eu de problème majeur.

Atlas commence à soupirer

Malheureusement, le havre de libertarianisme relatif qu’est le Texas commence à disparaître. « J’avais déménagé du Québec à cause de la réglementation étouffante et des impôts trop élevés. De plus en plus, c’est ce qui se produit aux États-Unis. Jamais je ne vivrai dans un monde socialiste. Je serais prête à déménager, mais où irais-je? » se questionne-t-elle.

Comme au Québec, les programmes publics sont abusés par plusieurs. Son mari lui en dit des vertes et des pas mûres au sujet des programmes publics de santé (Medicare3/Medicaid). « Il est témoin de tellement d’aberrations, comme cet homme qui, malgré une transplantation, continue à fumer. »

Toutefois, ce n’est rien comparé aux immigrants illégaux qui profitent des largesses du système. « Comme les hôpitaux ne peuvent refuser de patients, plusieurs femmes immigrantes en profitent pour accoucher à l’hôpital. D’autres se font soigner et disparaissent ensuite dans la brume. » Il est donc à prévoir que, pour palier ce manque à gagner, les impôts vont augmenter…

Aucun espoir?

En conclusion, Julie croit que s’en est fait de l’espoir de changement pour le Québec. « Il y a six mois, j’aurais peut-être été plus optimiste. Mais avec l’arrivée du conflit étudiant, je me suis rendu compte que cette mentalité de s’accrocher au gouvernement n’est pas prête de partir. Je ne crois pas voir de grands changements de mon vivant.

« Oh, il y a bien des libertariens présent – il semble y avoir une tendance dans la région de Québec –, mais ce ne sont pas des militants car ils ont une vie. » D’autres personnes partagent son pessimisme. Son beau-père est maintenant professeur en Chine, et il n’a pas l’intention de revenir.

1Programme fédéral qui paie notamment les soins des personnes pauvres ou handicapées

3Pour les aînés